Nicolas et Bruno, PDG du Drôle de festival !

Organiser un festival de cinéma supputé drôle n’est pas une mince affaire : c’est même une drôle d’affaire. Pour nous épauler dans cette mission de la plus haute importance, et sans négliger la masse salariale de notre humour ni l’investissement boursier de nos humeurs, nous avons recruté en CDD deux professionnels de la profession. Nicolas et Bruno, spécialistes émérites des ressources humaines en petite et moyenne entreprise, hauts fonctionnaires du détournement proto-houellebecquien et fondateurs de la start-up COGIP, ont accepté notre projet. Parce que c’est notre projet.

Nicolas et Bruno ont su faire fructifier l’humour français, quand celui-ci risquait la banqueroute. Le Message à caractère informatif, hommage vibrant aux films institutionnels, fit les belles heures de Nulle part ailleurs et transforma le monde de l’entreprise en cirque du glamour subversif. Pour le cinéma, industrie florissante qui boursicote avec les ego, ils ont réalisé l’étrange Personne aux deux personnes (90 % culte, 10 % méconnu), l’impromptu Grand Méchant Loup et le désopilant À la recherche de l’ultra-sex. Il faut les suivre, guides bienveillants qui parfois nous perdent dans les méandres de la distanciation chic ou de la potacherie choc. Il n’y en a pas deux comme eux, disons : pas quatre. Il y a chez eux une poilante inquiétude, comme si la troupe du Splendid investissait le MEDEF, si Fabcaro devenait ministre de l’Économie ou si Michel Houellebecq s’invitait seul en scène. L’art du détournement, quand il n’est pas celui de fonds publics, demande rigueur autant que génie. Les auteurs d’Amour, gloire et débats d’idées, les scénaristes de 99 francs et de L’Idéal, sont passés maîtres en la matière. Nous leur avons confié les clefs du Forum des images : ils ouvriront et fermeront la maison. Leur projet de restructuration de l’esprit de sérieux qui nous mine a été validé par notre conseil d’administration à 10 voix contre 2 (et une abstention, pour cause d’aquagym zoophile). Grâce à nos néo-PDG, nous irons tous au paradis fiscal du rire. Grâce à nos team-leaders de l’hilarité en copropriété, nous sommes en marche vers le win-win. Parce que l’humour (espèce en voie de disparition), même au neuvième degré, même sous la ceinture périphérique, même au temps des gravités grandiloquentes, l’humour est notre dernière chance, ainsi que notre premier pas vers l’employabilité post-apocalyptique. Grâce à Nicolas et Bruno, ce Drôle de festival pourrait même être vraiment très intéressant.