
Duffer
De Joseph Despins , William DumaresqAvec, Kit Gleave, Erna May, William Dumaresq, Lisa Dran, Fiction, Grande-Bretagne, vostf, 1972, 75 min, Noir et blanc
La vie de Duffer est scindée en deux. Your Gracie la prostituée lui offre une sexualité libératrice et lumineuse. Mais Louis Jack, un homme plus vieux, lui fait subir ses fantasmes sadiques.
Duffer s’apparente à ces hantises visuelles développant leur logique propre, qui échappent à toute classification. La manière qu’ont Joseph Despins et William Dumaresq de faire rimer paysage industriel et odyssée solitaire cauchemardesque anticipe sur le David Lynch d’Eraserhead. La voix de Duffer confesse une bisexualité torturée, jusqu’à l’inconcevable ; elle accompagne une dérive tragique qui contamine la forme. Le noir et blanc étouffant, la bande son décalée et amplifiée catapultent le réalisme social vers les rives d’un songe terrible.
Cosey Fanni Tutti à propos de Duffer :
« Mon ami Stephen Thrower m’avait envoyé le film Duffer, parce qu’il pensait que je pourrais le trouver étrangement intéressant. Le son était signé Delia Derbyshire, une compositrice que j’évoquais dans mon livre. Je ne savais pas à quoi m’attendre et j’ai été totalement surprise, d’abord parce que tout le dialogue était doublé, ce qui donnait une étrange déconnexion entre les visuels et le son. Cette déconnexion colle bien au détachement vis-à-vis de la réalité qui caractérise Duffer et les autres personnages. Le grain du 16mm ajoute à l’âpreté des situations que Duffer est prêt à subir au nom de son amour et de sa loyauté tordue envers Louis Jack. Quand les choses deviennent insupportables, Duffer trouve du répit dans les bras de Your Gracie, une plantureuse prostituée qui prend soin de lui. Le sexe chaleureux et aimant qu’ils partagent est à l’opposé des jeux sexuels avec Louis Jack. Le film capture le Londres des années 70 dont je me souviens si bien : le délabrement de Notting Hill, le quasi-squat qu’est l’appartement de Louis Jack, et ces personnages bizarres qui vivaient aux marges de la société britannique. »