L'édito : Art total
— Par Fabien Gaffez, directeur artistique du Forum des images.
Pour sa 19e édition, le Carrefour du cinéma d’animation prend une nouvelle dimension, puisque sa durée s’étend désormais à sept jours. Une semaine n’est pas de trop pour célébrer les mondes ouverts par cet art mineur devenu majeur. Et puis, ça serait radoter que de rappeler l’évidence d’un art qui enfonce les portes de notre perception. Il n’est pas impossible que le cinéma d’animation soit devenu cet art total rêvé par les élites qui n’avaient d’yeux que pour les nobles dieux.
Année après année, nous avons pu observer l’évolution des mentalités, pour enfin considérer le cinéma d’animation, si divers, profus, expérimental, populaire, décadent, terrible, fascinant, pour enfin considérer ce champ audiovisuel comme un cinéma d’artistes et d’auteur·rices. Si nous ne boudons pas notre plaisir devant tel ou tel blockbuster impérialiste, telle ou telle production dite « familiale » (un si gros mot, quand on y pense), notre festival a longtemps œuvré pour la reconnaissance d’oeuvres parfois marginales, souvent alternatives, de courts et de longs métrages, à l’ombre des produits de consommation de masse. Le cinéma d’animation règne, avec autant de modestie que de persévérance, sur l’Olympe des imaginaires contemporains ; c’est aujourd’hui que nous en saisissons à la fois l’histoire et la puissance narrative.
Ce nouveau cru renoue avec ses premières amours, la japanimation, à travers l’hommage à Yasuhiro Yoshiura, des avant-premières ou un partenariat avec la plateforme Crunchyroll. Ce moment nippon fait écho à notre thématique « Le Japon, Mishima et moi » qui se poursuit jusqu’en janvier.
Elle affirme et confirme une cinématographie pas comme les autres, dont les frontières intérieures ont été repoussées jusqu’à d’inimaginables confins. Autant de limites fantastiques que l’espagnol Alberto Vázquez réinvente à sa manière, avec une oeuvre irrévérencieuse et facétieuse. Ces artistes et ces films sont exemplaires pour les plus jeunes générations, à qui l’on réserve la part belle, en programmant films d’écoles, en consolidant notre essentiel Cadavre exquis animé sous la houlette bienveillante de Marcel Villoing, et en associant notre école de création numérique TUMO Paris 1 aux studieuses festivités. D’avant-premières en coulisses de la création, le Forum des images renaît à ce carrefour animé, un carrefour qui conduit notre geste, traçant son chemin aux moyens du cinéma, du jeu vidéo, des nouvelles images et de la BD.
Un monde nouveau. On en rêvait tou·tes.